Comment le dirigeant stoïcien manage le temps

Tanguy Cathelain • sept. 15, 2022
Que de fois ai-je croisé ou accompagné des dirigeants dont l’impression première, et souvent persistante, qu’ils dégagent est qu’ils manquent atrocement de temps : ils sont en agitation permanente, en surbooking chronique et ils expriment leur désespoir de ne pouvoir consacrer le temps nécessaire à un dossier, à un collaborateur ou à leur conjoint(e).
 
Les stages de gestion ou de management du temps font florès depuis des dizaines d’années. Ils donnent des résultats pour les personnes qui appliquent scrupuleusement les techniques. Comme ces dernières ne sont généralement pas supportées par une philosophie de vie, leurs effets s’estompent le plus souvent avec ... le temps.  
Le stoïcisme est une philosophie de vie qui est profondément ancrée dans le réel de l’individu. Il propose un regard sur la vie et une organisation opérationnelle.

L'APPROCHE DU MANAGEMENT DU TEMPS PAR LE STOÏCIEN
Le stoïcien développe naturellement un management efficace de son temps. Son cadre de référence lui donne des points d'appui solides :
  • La conception du temps et son importance : les stoïciens insistent sur le fait que l'homme a peu de temps devant lui et que la mort peut intervenir à tout moment.  Il est donc souhaitable d'utiliser ce temps de manière pertinente.
  • Le principe suivant lequel notre sphère de contrôle est limitée : ainsi, il est préférable de ne pas se disperser et de centrer son action sur ce qui est effectivement sous notre contrôle.
  • Le sens du devoir et de l’engagement : l'une des quatre vertus cardinales du stoïcisme est le courage. Elle s'exprime de bien des façons, en particulier dans le respect des engagements pris.
  • Le souci de l’efficacité dans l’action : c'est un corollaire du point précédent. Ce qui doit être fait doit être bien fait et avec efficacité.
  • Le respect d’autrui : les stoïciens prônent la bienveillance envers autrui, quel qu'il soit. Faire preuve de considération envers ceux que l'on rencontre ou avec lesquels on travaille est donc naturel pour le stoïcien, même si le naturel demande souvent à être travaillé et entretenu. 
  • La préparation à l'inattendu : souvent les choses ne se passent pas comme prévu ou espéré. Le stoïcien se prépare mentalement à toute éventualité.
Sénèque : « On est parcimonieux s'il s'agit de garder intact son patrimoine ; mais quand il s'agit de perdre son temps, on est prodigue dans le seul domaine où l'avarice serait honorable. »

LA TRADUCTION DES PRINCIPES STOÏCIENS EN LIGNES D'ACTION OPÉRATIONNELLES

1. LE DIRIGEANT GÈRE SON AGENDA
Il est plus facile d'être à l'heure avec un calendrier bien construit et mis à jour qu’à partir d’un calendrier surchargé avec de nombreuses tâches qui s'accumulent ou qui se chevauchent.
Comment y parvenir ?
  • Préciser ses responsabilités et fixer clairement ses priorités, appliquer les bonnes pratiques de délégation et vérifier également la rigueur de l'exécution.
  • Travailler avec discipline. Il faut viser une parfaite auto-organisation et une parfaite organisation autour de soi. Définir des actions qui correspondent à cet objectif et les monitorer régulièrement. Si ce processus n'est pas naturel, il faut engager un travail profond pour changer sa nature!
  • Éviter la procrastination. Sénèque nous rappelle : « Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles. »
2. LE DIRIGEANT TRAVAILLE AVEC EFFICACITÉ
Les calendriers consistent souvent en une succession de réunions et de rendez-vous. La durée de chacun de ces moments doit être correctement évaluée ainsi que les temps de transit (qu'il s'agisse d'une salle de réunion à proximité ou d'un long voyage).
Un autre point important, sur lequel travailler si nécessaire, est la capacité à tenir une réunion ou un rendez-vous dans un cadre bien défini. Le dirigeant est censé suivre l'agenda préparé : il doit se concentrer sur l'objet réel (information, consultation, décision ou contrôle) et respecter la durée fixe annoncée à l'avance. Tout dirigeant ne doit pas oublier qu’il doit être exemplaire !
Marc Aurèle : « Ne perdez pas de temps avec des bêtises. »

3. LE DIRIGEANT RESPECTE AUTRUI
« La précision est la politesse des rois et le devoir de toutes les bonnes personnes.» Cette phrase est attribuée au roi de France Louis XVIII au début du XIXe siècle.
Dans l'agenda d'un dirigeant au XXIème siècle, cela veut dire : commencer les réunions à l'heure prévue, tenir les rendez-vous dans le créneau horaire identifié et s'en tenir strictement à l'objet de la réunion sont des sources de productivité pour une entreprise.
C'est aussi une grande marque de respect pour tous ceux qui savent que les engagements seront respectés et qu'ils n'ont pas à s'inquiéter des perturbations sur leur propre calendrier.
Tout dirigeant devrait agir de la sorte ! Le personnel et l’ensemble des parties prenantes se calent sur le leader qui se doit d’être une personne fiable. C’est en se comportant ainsi que l’on impulse une dynamique vertueuse de respect des horaires et des délais dans toute l’entreprise.
Épictète : « Essayez d'influencer vos amis à parler de manière appropriée par votre exemple. »
 
4. LE DIRIGEANT ANTICIPE L’INATTENDU
Nous savons que des événements mineurs et majeurs peuvent survenir à tout moment et bouleverser plus ou moins n'importe quel calendrier.
Être préparé mentalement à l'inattendu est la clé pour bien gérer son entreprise et donc être ponctuel.
Marcus Aurèle: « Comme c'est ridicule et comme c'est étrange d'être surpris de tout ce qui se passe dans la vie. »
Si le dirigeant est bien préparé à affronter l'inattendu, il est serein face aux événements. Cela donne confiance aux parties prenantes de constater la capacité du leader à réagir correctement et à respecter ses engagements.
Au-delà de la préparation mentale propre aux stoïciens («premeditatio malorum»), il est nécessaire de disposer d'outils pour lire et vivre dans l'incertain. Il faut également savoir définir et mettre en place une organisation appropriée, et disposer de plans de sauvegarde, de kits de survie, de réseaux de contacts fiables et plus globalement d'une flexibilité d'action.
Marc Aurèle : « Le secret de toute victoire réside dans l'organisation du non-évident. »

L'ENTRAÎNEMENT STOÏCIEN

Devenir stoïcien, ou plus modestement s’inspirer du stoïcisme dans sa vie perso ou pro, nécessite un travail sur soi et un accompagnement afin d’être guidé et challengé.
Il est dans l’ADN du stoïcisme de se nourrir des expériences passées et d’échanger avec des pairs, des maîtres ou des coachs pour nourrir et cultiver sa propre réflexion. Chacun progresse à son rythme, en fonction de sa sensibilité et de ses priorités. L’entraînement, sous la forme retenue, est d’autant plus productif qu’il est régulier (au rythme choisi par la personne).  
La démarche est toujours liée au réel, à un champ d’activité ou à des problèmes de la vie courante. Il est ainsi possible de débuter son initiation par le management du temps.
L’appropriation des principes du stoïcisme est le résultat de la confrontation de questions concrètes avec une réflexion personnelle nourrie et challengée régulièrement par un pair, un maître ou un coach.  

« Rien de plus faux que ces phrases banales : « Je n'ai pu faire autrement; quand je n'aurais pas voulu, j'étais forcé. » Nul n'est forcé de suivre la Fortune à la course. Il est déjà beau, sinon de lui résister, du moins de faire halte, de ne point presser le mouvement qui nous emporte. »
Sénèque

Relayez-nous

management du temps
par Tanguy Cathelain 15 sept., 2022
Le stoïcien manage le temps en s'appuyant sur son cadre de référence. Nous présentons ici les principes qui guident le stoïcien ainsi que les modalités opérationnelles de management du temps qui en découlent. Nous rappelons les voies d'initiation au stoïcisme. Sénèque disait : « quand il s'agit de perdre son temps, on est prodigue dans le seul domaine où l'avarice serait honorable .»
par Epictetus Coaching 29 janv., 2021
Travailler son leadership est un vrai besoin du dirigeant. Trois axes sont à privilégier : la maîtrise de l'égo, le développement de la vision et la capacité à former des talents et à fonctionner en dynamique d'équipe.
par Epictetus Coaching 11 janv., 2021
Des voeux pour construire une résilience durable.
par Tanguy Cathelain 07 janv., 2021
L'apport du stoÏcisme au job de dirigeant: - Gestion des priorités - Maîtrise des émotions - Premeditatio malorum - Ce qui dépend de nous
par Tanguy Cathelain 06 janv., 2021
The Kobayashi Maru is a famous Star Trek episode. He was scripted for the first time in the film 1982 The Wrath of Khan and more recently in the new opus Star Trek Into Darkness. The Kobayashi Maru is a training exercise for young Starfleet officers. It aims at testing them when faced with a no-win scenario. Young James T. Kirk, not yet commander of the Enterprise, is the only cadet to pass the test ... by reprogramming it to prevent death. Very clearly, he refuses the script written in advance. He decides to play his own scenario, the one that allows him to survive. What lessons can any leader draw from this for the conduct of their business, especially in a context of disruptive environment? 1. REFUSE THE “NO-WIN SCENARIO” In many industries, “no-win scenarios” tend to become more and more frequent for traditional players due to waves of technological innovations and revolutions in business models. Disruptions are at work. Traditional business models are being overtaken by new ways to satisfy the customer and by new value chain organizations. Just in a few years, disruptions can bring down well-established companies or threaten the legitimacy of public institutions. Not the right way : leaders may have the inclination or the temptation to deny weak signals and to manage the business as usual with very little change. Then, often when too late, they try to plug disruptive innovations in their existing model. Faced with new competitors offering breakups, this strategy is doomed to fail. James T.'s way is the right one: to take a step back and to rewrite the scenario. In business words, it is useless to put bandaids on a business that cannot survive. The right way is to reinvent it, and it means to create a new business. The job of the “re-inventor” is to define and to implement the foundations of the new company (relationships with customers, market positioning and business model) in continuity with the “old” one (mission, value, assets). To succeed, the leader should be bold and to have acute entrepreneurial skills. 2. WORK WITH A BRAND NEW DREAM TEAM James T. Kirk has the mental strength to dare challenging, alone, what is written and to lead his project. For anyone else, it is not smart to try and lead a transformation alone. It is a hard task to reinvent the future and to rebuild your business at the right pace. It is even harder when you have to organize the shift from old to new business, while optimizing the old one because it is still profitable for a while. You have a lot to do. You must change your perspective and consider everything differently: customer needs, products and services, technologies, production, skills, business model …. And you have to take a lot of tough decisions related to markets, assets, human resources, organization … To succeed, the leader should work with a brand new Dream Team: - people from outside the company and smart with new business models, techno disruptions and customer needs, along with a small number of choosen people from the old business, - people able to help him/her take a step back, focus on key challenges and train to succeed.
Share by: